LigneBleue

« Il y avait des ouvriers de partout »

La nostalgie des papeteries

Des friches aux constructions

L'urbanisation de Domène, une nécessité

De l'usine au boulodrome, des collègues aux copains

Sur le terrain de pétanque de la commune de Domène, Alain tire, Jacques pointe… Au pied des montagnes, le cadre de jeu est paisible. Quelques mètres plus loin, les grues ont remplacé les arbres, et les gravats, le sable du boulodrome. Le village s’urbanise peu à peu, en quête de modernité.

Domène Temps de trajet : 9 minutes

Difficile de se promener dans les rues de Domène sans apercevoir un chantier de près ou de loin. Difficile aussi de ne pas être frappé par ce contraste saisissant, entre vieilles maisons délabrées et immeubles avant-gardistes. « Un gros projet de renouvellement urbain est actuellement en cours, avec 179 logements en construction sur la commune », affirme Chrystel Bayon, maire de Domène (LR) depuis octobre 2017. Une vingtaine d’années auparavant, des entreprises papetières et métallurgiques occupaient ces mêmes sites. Aujourd’hui fermées, ce sont pourtant elles qui ont structuré le paysage économique et social de Domène à ses débuts.

« Dans le temps,

c’était une ville ouvrière, où il y avait 2500 emplois,

peut-être même plus.

Aujourd’hui,

il n’y a plus rien. »

Jean-Michel,

trésorier de l'amicale boule

Depuis la fin des papeteries, Domène a fait le choix de ne pas laisser en friche ces terrains-là. Au contraire, elle souhaite en faire de nouveaux projets. « Sur le site de la papeterie qui était situé au fond de la gorge du Doménon, la zone était inconstructible. Les bâtiments ont alors été exploités par les scieries », explique Dominique Brun Bellut. Les autres terrains ont, quant à eux, été rachetés par la commune. « La papeterie des Alpes a été la dernière à fermer à Domène. Après son rachat par la commune, trois hectares et demi ont été vendus à des promoteurs pour construire des logements, et un hectare reste consacré à une zone artisanale », détaille le technicien.

Si ce projet de renouvellement urbain semble couler de source pour la commune, il n’est pourtant pas évident à mettre en place. Lucille Safin, responsable du service urbanisme de Domène, détaille : « Il y a des projets d’habitats à la fois classiques et sociaux qui sont en cours de construction. 179 logements vont sortir, mais ce sont des temps de projets très longs ». La cause ? Ces terrains ne peuvent être constructibles et offerts à la vente aux promoteurs qu’après déconstruction et dépollution. Toute une organisation, en somme, mais qui semble valoir le coup. « Tout a été vendu en peu de temps. Nous sommes vraiment une commune dans laquelle les gens veulent venir habiter », estime le maire, Chrystel Bayon.

Rendre la commune jeune et dynamique

Du XIXème siècle aux années 2000, Domène est une commune essentiellement ouvrière. Jean-Pierre Dominoni, élu municipal de l’opposition (PCF) depuis 1977 et sept mandats au compteur, se souvient : « Avant, il y avait des ouvriers de partout. Et c’était un caractère que l’on retrouvait dans toute la rive gauche de l’Isère, avec énormément d’activités papetières et métallurgiques. » Trois sites de papeteries étaient effectivement implantés dans la commune. Pour Dominique Brun Bellut, en charge des services techniques et de l’urbanisme de Domène, « le village avait la chance de pouvoir profiter de sa position au pied de Belledonne, il était précurseur ».

Mais depuis, ces mêmes papeteries qui ont fait les beaux jours de Domène, ont mis la clé sous la porte. « Les machines ont été démontées progressivement sur ces vingt dernières années pour être envoyées en Asie ou en Europe de l’Est. Là-bas, la technique n’est pas meilleure, mais le papier est produit à des prix beaucoup plus bas qu’en France », constate M. Brun Bellut. Des fermetures qui ont inévitablement causé des pertes d’emploi, obligeant les ouvriers à se reconvertir, à trouver un travail ailleurs, ou à prendre leur retraite. « Tout cet héritage industriel a disparu de Domène. Leurs fonctions ont été remplacées par des emplois totalement différents de services à la personne. Mais les grosses industries autour des villes de Grenoble et Crolles en ont aussi profité pour récupérer un certain nombre d’ouvriers », précise M. Dominoni.

« À la pétanque

vous avez de la chance.

À la lyonnaise,

il faut avoir

un peu de réussite. »

Jacques, bouliste depuis 9 ans

«

Le village

avait la chance

de pouvoir profiter de sa position

au pied

de Belledonne.

Il était précurseur.

»

Si Domène souhaite conserver son identité de village, avec une certaine qualité de vie que l’on ne retrouve pas dans les communes plus urbanisées, l’objectif est aussi de garder et d’attirer de nouveaux habitants. « Nous voulons permettre aux vieilles familles doménoises dont les enfants habitent encore chez leurs parents, de pouvoir acquérir des biens fonciers sur la commune. Des logements avec des tarifs limités auprès des promoteurs, de 3050 euros maximum au mètre carré, sont proposés. Cette limitation du prix d’achat leur permet d’acquérir des biens à Domène et donc d’y rester », déclare Chrystel Bayon.

Une stratégie qui semble concluante, puisque la commune grossit d’année en année. « Les logements sont moins chers qu’à Grenoble, mais à proximité de l’agglomération et avec des services sur place. Les habitants sont heureux d’avoir un appartement ou une maison avec une vue dégagée, sans pour autant habiter à la campagne », estime Mme Safin. De quoi ôter à Domène son cliché de cité dortoir qui lui colle à la peau depuis la fermeture des papeteries. « Tout le monde n’y travaille pas, mais il y a des emplois sur place, avec une vie locale et beaucoup d’équipements culturels et sportifs. Il se passe des choses ici », conclut la responsable du service urbanisme de Domène.